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Khady Niang Diakhaté : “Ce metier m’a tout donné …”

Passionnée avant tout. Avec 10 ans d’expérience en poche, un parcours professionnel richissime, des rencontres déterminantes et un débordant besoin de partager ses connaissances, Khady Niang Diakhaté est devenue l’une des personnalités incontournables dans le domaine de la beauté en Afrique [ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2″ ihc_mb_template=”3″ ]

francophone. La pionnière du maquillage professionnel au Sénégal – Makeup Artist – . Sans langue de bois, elle nous raconte son parcours, sa vision du domaine de la beauté au Sénégal et ses projets.

CC : Omar Victor Diop

 

Un parcours exceptionnel

Avec un style direct, un ton jovial et fougueux, Khady Niang Diakhaté incarne la détermination et l’affirmation de soi. Après un double diplôme de makeup artist – maquilleuse professionnelle – à Lyon en 2006 puis à Washington DC en 2009, la jeune dame rentre définitivement au Sénégal en 2009. En effet, si c’est pour rester en Europe, avoir un bon salaire et ne maquiller que des tops modèles noirs et métissés du fait de sa couleur de peau, Khady a préféré retourner au Sénégal et mettre à profit ses compétences. « Est-ce que si j’étais restée à Paris, j’aurai eu l’opportunité de travailler dans un film qui a obtenu 7 césars ? La réponse est clairement NON. Je serai cantonnée à maquiller des modèles noirs pendant toute ma carrière et je ne voulais pas faire que ça. Je voulais aussi découvrir autre chose et approfondir mes techniques sur une diversité de modèles. Le choix de rentrer au Sénégal est l’une de mes meilleures décisions et la suite de mon parcours professionnel m’a donné raison », raconte-t-elle, sereine.

 

Le choix de rentrer au Sénégal est l’une de mes meilleures décisions et la suite de mon parcours professionnel m’a donné raison.

 

Installée à Dakar depuis 2010, elle enchaîne les projets à succès. De la 3ème édition du festival mondial des arts nègres en 2010 aux défilés de Selly Raby Kane en passant par les Dakar Fashion Week d’Adama Paris, des défilés de Claire Kane, d’Elite Model et du Brazza Fest, Khady Niang Diakhaté est la maquilleuse professionnelle officielle des figures emblématiques de la mode et de la culture lors des grands rendez-vous du continent. En parallèle de la gestion de ces différents évènements, la spécialiste du maquillage lance son entreprise Red Lips Beauty en 2011. Elle y réunit des professionnelles maquilleuses, coiffeuses et esthéticiennes et propose des prestations de services dans le domaine de la beauté.

 

Deux ans plus tard, Red Lips Beauty élargit son domaine d’action et fait son entrée dans l’audiovisuel avec la production d’une émission beauté diffusée à la Télévision Futur Média (TFM) du célèbre chanteur sénégalais, Youssou Ndour. En 2014, la carrière de la passionnée du maquillage connaît un tournant saillant. Elle devient la maquilleuse et coiffeuse officielle du long métrage “Timbuktu” d’Abderrahmane Sissako, récompensé par 7 Césars en 2015 dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur. Déterminée et tournée vers ses objectifs, Khady continue sur sa lancée et crée une école de makeup artist à Dakar. Elle retourne au cinéma en tant que chef maquilleuse & coiffeuse de la série panafricaine “C’est la vie !” diffusée sur la chaîne A+. Dans cette même chaîne télévisée, elle anime l’émission Flash Beauté et avec toutes ses activités menées en parallèle, Khady Niang Diakhaté organise également des masterclass à Dakar et récemment à Abidjan.

 

Un désir ardent pour la transmission

Le continent regorge de maquilleuses professionnelles expérimentées. Si ces dernières ont fait le choix de ne pas communiquer sur leur métier pour diverses raisons, Khady Niang Diakhaté elle, a décidé de faire découvrir son domaine d’activité. « Quand je suis rentrée au Sénégal, je voulais faire connaître mon métier, je voulais le professionnaliser donc j’en ai parlé à la télé », explique-t-elle. Convaincue que le maquillage professionnel gagnerait à se faire connaître au Sénégal et en Afrique francophone, elle fait de son désir de transmettre son savoir et vulgariser son métier, une de ses missions principales. « Il y a de la place pour tout le monde dans ce domaine et il faut montrer les choses au moment opportun. Sans arrières pensées. Sans vous dire que si j’indique le chemin, les autres me dépasseront. Non, il faut montrer. Et quand les gens sauront, ils vous mettront en avant en disant que c’est elle qui nous a indiqué la direction », renchérit-elle, avec conviction.

 

Il y a de la place pour tout le monde dans ce domaine et il faut montrer les choses au moment opportun.

 

 

A la découverte de la makeup artist

 

Comment expliquer que le domaine de la beauté ne soit pas pris au sérieux et valorisé au Sénégal?

Non, le domaine de la beauté n’est pas relégué au second plan au Sénégal. C’est plutôt de la méconnaissance qu’un manque de reconnaissance, car pour reconnaître quelque chose, il faut d’abord la connaître. Il n’y a pas encore longtemps au Sénégal, les gens pensaient que le métier de maquilleuse professionnelle était équivalent à esthéticienne ou coiffeuse. Maintenant, avec le développement d’Internet dans nos pays, les nombreuses émissions sur la beauté et grâce au cinéma, c’est un métier qui commence à se professionnaliser. Les gens commencent à comprendre c’est quoi une “maquilleuse Pro ou makeup artist”. Alors oui, nous sommes en retard par rapport à l’Afrique anglophone, mais en Afrique francophone, à part la côte d’Ivoire, le Sénégal est en avance comparé aux autres pays.

 

Sur le plan de la rémunération, peut-on considérer le métier de maquilleuse Pro & beauté comme n’importe quel autre métier (fonctionnaire, ingénieur, expert-comptable) sous nos cieux ?

Ce n’est pas un métier comme n’importe quel autre métier car c’est beaucoup mieux payé que la plupart des métiers. Une maquilleuse expérimentée beauté peut toucher entre 20 000 et 30 000 FCFA (30-45€) par maquillage et en fonction de sa popularité, elle peut se retrouver avec le salaire mensuel d’un cadre avec en moyenne, 500 000 FCFA par mois (environ 762€). Ce revenu est encore plus élevé quand il s’agit de maquillage professionnel dans le cinéma ou la publicité où on peut se retrouver avec le salaire d’un fonctionnaire en une journée. De manière générale, le métier de maquilleuse est bien payé quand on est compétent, quand on arrive à bien se mettre en valeur et quand on travaille dur car c’est un métier qui ne ment pas. Un bon maquillage se reconnaît de tous et un mauvais maquillage se voit en quelques secondes.

 

Qu’en est-il de la formation des maquilleuses au Sénégal ?

Au Sénégal, il y a beaucoup d’autodidactes qui ont un talent naturel pour le maquillage et ça on le retrouve partout, même aux Etats-Unis. Non ce n’est pas obligatoire d’être formée pour être une maquilleuse beauté. En revanche, pour devenir maquilleuse Pro pour le cinéma, la publicité ou d’autres domaines, la formation reste quasiment indispensable. Une autodidacte peut avoir l’opportunité de travailler dans un projet cinéma par exemple, mais là où celle formée sera directement opérationnelle, l’autodidacte aura besoin d’être encadrée et suivie. Au final, elle ne sera efficace qu’au bout de 2 ans. Et le choix d’un directeur artistique face à ces deux types de profils se fait sans hésitation.

 

Parlez-nous de votre école de formation.

J’ai créé une école pour former des maquilleuses beauté et Pro. Elle existe depuis bientôt 2 ans et j’accueille une vingtaine d’étudiantes venant de toute la sous-région ouest-africaine – Sénégal, Burkina, Mauritanie, Cameroun. Il y a deux sessions par an et par souci de qualité, je prends uniquement 6 étudiantes par session. Les profils de mes étudiantes sont divers et variés. Avant de s’inscrire à la formation, beaucoup avaient déjà leur activité – coiffeuses, esthéticiennes, débutantes maquilleuses dans des médias – Elles sont donc venues compléter leur savoir-faire. Les opportunités qui s’offrent à elles au sortir de la formation dépendent donc de leur profil. Si les unes retournent dans leur métier d’origine avec plus de compétences, les autres se lancent en freelance à leur propre compte et le reste choisit le plus souvent d’intégrer les entreprises de l’audiovisuel.

 

Comment expliquer la prolifération des maquilleuses au Sénégal ?

Tout d’abord, je tiens à préciser que les techniques de maquillage actuellement plébiscitées existent depuis longtemps. C’est avec l’arrivée de nouveaux moyens de communication comme Instagram et YouTube que cela s’est vulgarisé. Et c’est ainsi qu’on assiste à un boom dans le domaine de la beauté/maquillage partout dans le monde.

 

Quant à la profusion de maquilleuses au Sénégal, c’est un très bon signe. Cela veut dire qu’il y a du potentiel dans le domaine. Que des revenus sont générés. Que les pionnières ont fait et continuent de faire du bon boulot et qu’elles ont suscité des vocations. En définitive, une sélection naturelle se fera. Il y en aura qui laisseront tomber une fois le boom passé car elles ne sont pas passionnées. D’autres, dépourvues de talent n’auront d’autre choix que d’abandonner. Ne resteront finalement que les résistantes dont la survie tiendra de leur talent et de leur passion, deux qualités que ce métier exige. Et dans 2 ans tout cet enthousiasme disparaîtra.

 

Entre absence des grandes marques de cosmétiques et un marché inondé de contrefaçons, comment trouver un produit de beauté de qualité au Sénégal?

L’Oréal, True Colors, Black up, L.A girl et d’autres grandes marques de cosmétiques sont au Sénégal. Le géant MAC n’est pas encore là mais cela ne saurait tarder. Et oui, le marché national est saturé de contrefaçons. Cette contrainte est donc un frein pour la Sénégalaise lambda qui cherche des produits de maquillage de qualité mais ce n’est surement pas un frein pour une maquilleuse Pro confirmée. Cela peut même être un critère de crédibilité. Une maquilleuse Pro qui vous parle de ses difficultés à trouver des produits de qualité, atteste de sa méconnaissance des différents moyens et réseaux existants pour se les procurer, mais surtout, elle décrédibilise son travail et son statut de maquilleuse Pro.

 

Par ailleurs, le Sénégal est assez avancé dans le domaine du numérique. Nous avons des moyens de paiement qui nous permettent d’acheter en ligne. De plus, nous avons à Dakar des boutiques physiques qui commercialisent des produits de qualité et des particuliers sérieux qui revendent les produits de beauté originaux. Oui, toutes ces possibilités ne constituent qu’une goutte d’eau par rapport au potentiel du marché. Et oui, il est vrai également qu’une Sénégalaise lambda qui souhaite juste un produit de qualité est plus susceptible d’acheter une contrefaçon que l’original mais de nouvelles initiatives naîtront bientôt pour pallier ces désagréments.

 

Vous arrive-t-il d’évaluer vos dépenses en produits de beauté ?

Je suis un cas particulier. Je dépense à la fois très peu et beaucoup en cosmétiques. Par exemple, à la fin de la production d’un film, je repars souvent avec mon kit de maquillage utilisé lors du tournage. De plus, certaines marques qui s’installent progressivement en Afrique de l’Ouest m’offrent des produits. Et en tant que maquilleuse Pro, je ne suis pas sensible à la tendance. Lorsque par exemple je vois un rouge à lèvre marron qui me plait, avec ma palette Pro, je peux la fabriquer rapidement et facilement. Partant de ces éléments-là, on peut dire que je n’achète pas forcément beaucoup de produits. Par ailleurs, avec ma carte maquilleuse Pro, j’ai des réductions sur certaines marques et quand je voyage, je fais un stock de produits cosmétiques. C’est dans ces cas-là que je dépense beaucoup. Je suis donc un cas particulier en matières d’investissements financiers dans les produits cosmétiques.

 

Que dites-vous à celles qui trouvent que le maquillage que vous appliquez sur vous-même est plus soft que celui que vous faites sur vos clientes ?

J’ai naturellement un maquillage soft. Il m’arrive très souvent de ne pas me maquiller du tout. Je suis une maquilleuse Pro, j’ai appris à maquiller les autres, je ne suis pas obligée de me maquiller tous les jours pour montrer ce que je vaux. Et puis savoir se maquiller et maquiller les autres c’est différent. Quand vous allez sur la page Facebook d’une maquilleuse Pro et que vous y voyez que ses photos, prenez vos jambes à votre cou.

Credit photo : Omar Victor Diop

 

Où trouvez-vous votre inspiration dans votre métier?

Mon inspiration, je la puise de cette énergie positive que je sens en Afrique, des réalisations de la célèbre maquilleuse Pat McGrath. Elle vient également d’un travail extraordinaire que peut me présenter une toute jeune maquilleuse. Je suis donc inspirée par les grandes comme par les petites réalisations. Puis, il y a ce groupe de femmes sénégalaises sur Facebook : les ladies club. Cette dynamique positive, ces parcours extraordinaires et cette impression que chacune essaie de faire quelque chose de sa vie m’inspire énormément.

 

Qu’est-ce que votre métier vous a apporté ?

Tout. Je vis de ma passion. Ce métier m’a tout donné. J’y ai trouvé ma voie et c’est en l’exerçant que j’ai trouvé l’amour de ma vie, mon meilleur modèle en terme de forme de visage.

 

Quels sont vos projets, souhaits dans les années à venir ?

Mon principal projet aujourd’hui consiste à développer mon école. Mon rêve demain est que toute cette effervescence qu’on retrouve en Afrique anglophone dans le domaine de la beauté puisse toucher la partie francophone du continent. Que moi Khady Niang Diakhaté, je puisse inviter des maquilleurs de Hollywood à venir faire des masterclass ici au Sénégal. Que des maquilleurs du Mali, du Sénégal, puissent donner des cours aux Etats Unis. Mais pour que ce vœu se réalise, il faudra l’apport de tous les autres maquilleurs de la région francophone de l’Afrique. Il nous faut trouver dans ce boom, des talents extraordinaires à mettre en avant.

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