Si elles sont aujourd’hui considérées comme superficielles, sans intérêt et ayant une visée purement esthétique, les tresses africaines constituaient il y a quelques années en arrière, un élément fondamental dans la culture du continent. Elles étaient ancrées dans les valeurs traditionnelles africaines et servaient de moyen d’expression. Remonter l’histoire des cultures africaines nous permet d’apprendre que le cheveu était pour nos ancêtres un instrument qui pouvait être sculpté, tressé, orné et utilisé pour faire passer un message. C’est donc avec une ingéniosité et une créativité hors du commun qu’ils s’adonnaient au tressage du cheveu. Cette pratique fait aujourd’hui partie des principaux héritages socio-culturels africains. Dans cet article, nous vous proposons un retour à la source afin de vous faire redécouvrir ce symbole d’expression qu’est le tressage africain.
Le tressage africain : un outil d’information et de résistance
Les africains d’antan avaient le don de faire prendre à leur chevelure des formes variées. Ils savaient faire preuve de créativité pour réaliser des formes géométriques diverses rien qu’à partir de leurs cheveux. Ce talent, ils s’en sont servis comme instrument de libération lors de la période esclavagiste. En effet, pour échapper à leurs tortionnaires, les esclaves noirs réalisaient leurs coiffures de façon à obtenir un plan d’évasion. Les coiffures qu’ils faisaient représentaient en réalité des chemins. Ainsi, en fonction de la structure d’une tresse sur leur tête, ils pouvaient savoir comme sur un plan classique, le chemin à emprunter pour s’évader en minimisant le risque de se faire prendre. Les petites tresses collées décrivaient par exemple des sols marécageux, les chignons quant à eux pouvaient être considérés comme des arbres, les nœuds dans les cheveux comme des plantations, etc.
Par ailleurs, ces coiffures étaient réalisées de façon à protéger la tête, qui en Afrique était considérée comme sacrée, des maladies du cuir chevelu et des parasites tels que les mouches, les poux, etc. Dans de nombreuses tribus africaines, la sophistication des coiffures était telle qu’elles constituaient même une protection contre les rayons nocifs du soleil.
La coiffure dans la culture africaine : un moyen de communication
Tout comme les autres langages muets, le tressage africain permettait de faire passer un message sans avoir à le faire oralement ou par écrit. Dans certaines régions du Nigéria et du Bénin par exemple, pour exprimer le deuil de leur époux, les femmes cessaient de s’occuper de leurs cheveux ou les rasaient. C’était leur façon à elles de montrer qu’elles étaient éplorées. De même, dans de nombreuses contrées africaines, le style capillaire de la femme pouvait en dire long sur sa situation matrimoniale. De ce fait, les femmes mariées et celles célibataires ne portaient pas les mêmes tresses.
Dans son livre Hair Story, Lori L. Tharps, rapporte qu’ au début du quinzième siècle, les cheveux servaient de porteurs de messages dans la plupart des sociétés ouest-africaines ». Ainsi, à partir de la manière dont une chevelure était ornée ou tressée, on pouvait y déceler un message d’amour ou un deuil. Le tressage africain constituait aussi un symbole d’importance sociale. En effet, les rois et leaders des communautés noires portaient des tresses et coiffures très élaborées. Ce signe de stature leur permettait d’être ainsi distingués facilement de leurs sujets.
Le tressage africain : un symbole d’identité ethnique
Pour nos ancêtres, le tressage était synonyme d’identité ethnique. A partir de la coiffure d’un individu, on pouvait identifier la tribu ou le groupe social auquel il appartient. Les tresses constituaient donc un important symbole dans la culture africaine.
C’est le style de coiffures qui permettait en effet de distinguer les Fulanis des Igbos ou encore les Ashantis des Mandingues. Et cela, les marchands d’esclaves l’avaient bien compris. C’est la raison pour laquelle lors des traversées vers l’Europe ou l’Amérique, ils ont pris le soin de faire raser la tête aux esclaves noirs qu’ils transportaient.
Les coiffures africaines : un signe d’élégance
L’anthropologue Sylvia Ardyn Boone rapporte que «les communautés d’Afrique de l’Ouest admiraient une belle tête de cheveux longs et épais sur une femme. Une femme aux longs cheveux épais démontraient la force de vie, le pouvoir multiplicateur de la profusion, la prospérité, une «pouce verte» pour les femmes abondantes et de nombreux enfants en bonne santé ». Nos ancêtres accordaient ainsi une importance capitale à leurs cheveux. Ces derniers étaient coiffés, soignés et ornés suivant une méthodologie propre à eux.
Les tresses africaines de nos jours
Si la colonisation et les canons de beauté occidentaux ont contribué à la perte de l’engouement autour du tressage africain, on remarque de plus en plus un nouvel intérêt pour celui-ci. En effet, la popularisation des tresses africaines par les stars afro-américaines telles qu’Alicia Keys dans les années 2000, a contribué à la reconsidération de ce style capillaire. Le mouvement Nappy initié aux Etats-Unis par les communautés noires et exporté en Afrique a aussi été un facteur ayant déclenché chez beaucoup d’africains, le besoin de retourner à la source, de retrouver leur cheveux naturels et de revenir aux anciens styles de tressage.
Aujourd’hui, on remarque que de nombreuses coiffures ancestrales reviennent à la mode. A titre illustratif, on pourrait citer les coiffures Maki Maki, les tresses au fil, les nœuds bantous, les nattes, etc.
Les tresses africaines sont désormais tellement cotées qu’elles sont parfois victimes d’appropriation culturelle. Le cas Kim Kardashian en est l’exemple parfait. La vedette de l’émission télé L’incroyable famille Kardashian s’est retrouvée plusieurs fois accusée d’appropriation culturelle après avoir attribué son nom aux tresses africaines qu’elle s’est fait faire.
Mieux, il suffit de faire une recherche sur Youtube avec le mot-clé « tresse africaine » pour se rendre compte que les premiers contenus suggérés par le moteur de recherche sont des tutoriels réalisés par des femmes d’origine caucasienne.
De leur côté, de nombreux savants continuent de promouvoir l’art du tressage africain et de perpétrer cet héritage qui nous a été confié. C’est le cas par exemple de la Hair-styliste Nadeen Mateky, considérée aujourd’hui comme la reine des coiffures ancestrales.