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Quand beauté rime (ou pas) avec piété : coquetterie et lieux de culte en Afrique !

Bonjour la team. Je m’appelle Sènami et je monte au créneau aujourd’hui pour nous parler de beauté et de religion. En Afrique, la diversité des obédiences religieuses et la question du respect des libertés individuelles font du continent un terrain privilégié pour analyser et comprendre les différentes implications des croyances pour tout un chacun. Récemment, je me suis interrogée sur la coquetterie dans les lieux de culte. En effet, beaucoup de femmes sont connues pour être des personnes coquettes, regardantes sur leur apparence. Pour se rendre belles, elles font usage de maquillage, de parfums, de port de mèches et d’autres. Tous ces artifices ne sont pas toujours autorisés dans les lieux de culte en Afrique tels que les églises et les mosquées. Pour les femmes, qu’est-ce que cela implique ? Les lieux de culte en Afrique sont-ils assez inclusifs ? Peut-on être pieuse tout en aimant se faire belle ?

Être belle et croyante : deux valeurs aux antipodes ?

Peut-on être coquette et être croyante et pratiquante ? Je pense que OUI. C’est comme si l’on me demandait si l’on peut être belle et intelligente. La réponse est aussi évidente : c’est un OUI. 

Les lieux de culte (églises et mosquées) sont des endroits où se regroupent des hommes et des femmes de diverses origines, de différents points de vue, principalement dans le but de rendre un culte. Ces espaces se revendiquent la plupart du temps comme des espaces inclusifs.

Dans les faits, il existe bel et bien des restrictions aussi bien pour les hommes que pour les femmes quant à l’apparence qu’ils arborent dans ces endroits. Mais, nous devons avouer que les limites semblent plus restrictives pour les femmes. Elles doivent non seulement se vêtir d’une certaine manière, mais en plus limiter, voire, bannir le maquillage et certains artifices. Cela dépend évidemment de la doctrine à laquelle se soumettent ces lieux de culte.

Je pense donc que si théoriquement, les femmes ne sont pas limitées dans leurs faits et gestes, la vérité est que dans la pratique, elles le sont. Et si éventuellement, elles ne se conforment pas aux règles, elles deviennent rapidement l’objet de jugement au sein de leurs communautés religieuses. 

En quoi les lieux de culte en Afrique sont-ils restrictifs pour les femmes ?

Pour certaines femmes, les restrictions à l’église ou à la mosquée ne sont pas un problème tandis que pour d’autres, c’est tout le contraire. Tout dépend de la perception que chacune d’elles a des règles générales appliquées au sein du lieu de culte. 

Les femmes à la mosquée sont tenues d’être couvertes de la tête aux pieds. Voilées, elles ne sont ni maquillées, ni parfumées exagérément. À la sortie de ce lieu de prière, elles peuvent se vêtir d’une autre manière.

Dans certaines confessions issues du christianisme, les femmes ne sont pas censées se vêtir avec des pantalons. Les branhamistes par exemple interdisent le port de bijoux, de pantalons ainsi que de maquillage. Le port du foulard est nécessaire. Il s’agit là de règles qui sont aussi requises ailleurs que sur le lieu du culte. Autrement dit, les femmes de cette confession religieuse sont tenues de s’y conformer au quotidien. 

Chez les adeptes du christianisme céleste, une tenue de culte est exigée pour les hommes et les femmes. Il s’agit généralement d’une longue robe blanche assortie d’un bonnet de la même couleur que les femmes porteront. Pour les visiteuses de sexe féminin, il est impossible d’accéder à l’église si elles sont en pantalon et si la limite de leur jupe/robe se situe avant les genoux. Elles sont également tenues de porter un foulard et être à l’instar de tous les autres fidèles pieds-nus. 

Dans le mouvement mormon, certains pratiquants purs et durs interdisent aux femmes de porter des jupes courtes et des jeans. Ils n’autorisent que le port de robes longues et intégrales.

L’essentiel des restrictions dans ces différents mouvements religieux concerne la tenue et serait tiré des livres saints. Dans le christianisme, 1 Timothy 2: 9-10 est le passage biblique régulièrement utilisé pour justifier les restrictions sur la tenue de la femme : « De même aussi, que les femmes, vêtues d’une manière décente, avec pudeur et modestie, se parent, non pas avec des tresses ou d’or, ou de perles, ou de toilettes somptueuses, mais d’œuvres bonnes, comme il convient à des femmes qui font profession de piété. »

Chez les musulmans dans le verset 59 de la sourate Al-Ahzab, Allah enjoint aux femmes croyantes de se couvrir pour être respectées. 

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Des conditions restrictives pour les femmes sur les lieux de culte en Afrique

Chacune des religions semblent converger vers une seule volonté : celle de préserver la décence et la modestie de la femme croyante. Voici entre autres ce que cela implique pour les intéressées.

Sentiment d’exclusion : les femmes qui ne peuvent pas se conformer à des codes vestimentaires imposés se sentent exclues de leur communauté religieuse. Cela a été le cas d’Islamiath, une jeune femme qui n’a pas hésité à se confier sur son rapport au port du voile dans sa religion. Elle a rapidement reconnu l’impact négatif que cela a eu sur sa vie et dans sa quête du divin. Vous découvrirez un pan de son histoire dans les lignes à suivre.

Diminution de l’estime de soi : le fait de ne pas pouvoir s’exprimer librement à travers son apparence peut porter atteinte à l’estime et à la confiance en soi des femmes concernées.

Renforcement des stéréotypes de genre : Les restrictions renforcent souvent les stéréotypes de genre en imposant aux femmes des normes vestimentaires spécifiques, basées sur des conceptions traditionnelles du rôle féminin.

Discrimination et manque d’inclusivité : en imposant des règles vestimentaires et en véhiculant des systèmes de pensées, différentes aux femmes qu’aux hommes, on crée une forme de discrimination fondée sur le sexe.

Tension au sein des communautés: Ces restrictions peuvent générer des tensions au sein des communautés religieuses, entre ceux qui souhaitent maintenir des traditions strictes et ceux qui prônent une plus grande ouverture.

Beauté et lieux de culte en Afrique : ne pas se soumettre aux règles fait-il de certaines croyantes des rebelles ?

Pour Adji, maman et jeune sénégalaise musulmane, il faut apprendre à respecter les lieux de culte en Afrique et leurs règles : “ Les lieux de culte en Afrique et ailleurs sont régis par des règles (religieuses, divines, ou de la communauté). Je pense qu’il faut les respecter tant qu’elles sont en accord avec ce que Dieu a prescrit/recommandé. Sinon, on change d’église ou de mosquée. Je trouverais choquant voire déplacé et irrespectueux qu’une femme veuille se rendre dans une mosquée, non voilée ou maquillée à outrance. Maintenant, en dehors, elle peut se dénuder et porter des faux cheveux ou même de l’herbe sur la tête si elle veut.”

J’ai également discuté avec Sedjro, Béninoise de 26 ans, croyante chrétienne et pratiquante. La jeune femme nous a raconté qu’elle était née dans une famille catholique. « Dans ma quête de Dieu, j’ai été portée vers le milieu évangélique. Ma première église était branhamiste et j’ai entendu beaucoup de choses compliquées… rires. Entre autres, je devais cesser de porter des pantalons sur la base d’un principe farfelu. Je ne sentais pas que c’était la volonté de Dieu pour moi. Alors je suis partie. »

Célia a vécu une expérience similaire dans une autre église prônant les mêmes valeurs au Togo. « Un jour je suis allée me tresser au près d’une sœur de l’église. J’avais opté pour une mèche de couleur blonde. Ce jour-là, d’autres membres de l’église nous ont rejointes. A la suite, il y a eu un très long débat sur la coiffure que j’avais choisie. Une femme ne devait pas porter de faux cheveux et encore moins de couleurs. Cela ne m’a pas empêché de faire la coiffure de mon choix. Mais la messe qui a suivi, j’ai dû endurer tout un sermon qui portait sur le sujet et j’ai vite compris que les fidèles s’étaient plaints de moi aux pasteurs. J’ai senti dans cette attitude un gros manque d’amour et je suis partie de cette église »

Enfin, Islamiath, ivoirienne résidant au Bénin s’est exprimée en ces termes : « Tout le monde me connaît chez moi. Je ne considère pas le port du voile et beaucoup d’autres restrictions comme étant des prescriptions coraniques. Donc, je n’en mets  pas hors de la mosquée et si je m’y conforme en ce lieu, c’est pour ne pas provoquer un esclandre. Je suis musulmane pratiquante et donc dans mes moments de prières, je ne porte pas le voile non plus, car personne en dehors d’Allah ne me voit quand je prie. Au paradis, je ne me présenterais pas vêtue, alors, j’ai vraiment beaucoup de mal à me dire que celui qui voit tout serait un jour étonnée de me voir sans mon voile sur cette terre. Ma famille m’a longtemps jugée à ce sujet, mais ils ont fini par s’habituer ! »

« Je suis la tête brûlée de ma maison. » nous a lâché Islamiath à la fin de son récit.

« Dire que l’on part de son église parce que les gens ne veulent pas qu’on y soit coquette est très cocasse comme situation. Pour beaucoup de personnes conservatrices, ce n’est pas une raison suffisante. S’ils savaient que ce n’est pas juste une question de maquillage ou de tenues. Ma bible me dit que tout ce qui n’est pas fruit de conviction est un péché ! Je n’étais pas convaincue du tout. Par ailleurs, si je m’exécutais, à quoi de plus aurait-il fallu me soumettre juste par suivisme ? Et hors de l’église, renouer avec mes habitudes ? Quelle hypocrisie ! » nous explique Sedjro

Célia nous expliquera par la suite: « dans les milieux chrétiens, beaucoup de femmes sont « adeptes du dépouillement ». C’est une pratique qui consiste à renoncer à tout artifice. Le principe est tel que celles qui se sont déjà défrisées passent au big chop pour se défaire de toutes les choses qui ne sont pas naturelles. Même les produits de beauté utilisés pour leur entretien doivent être naturels, à l’instar du beurre de karité pur. Je me demande comment elles font avec autant de règles. Pour moi, Dieu est la liberté.  Alors, que j’ai décidé de ne pas suivre cette voie, je ne me suis jamais sentie aussi proche de Dieu. Il approuve mes voies donc je ne me considère pas comme une rebelle. »

Enfin, nous avons discuté avec Romaine. La jeune ivoirienne nous dit ceci : ” Il y a des discussions inutiles. Quand on vient à l’église, il est évident qu’on doit s’habiller décemment car il ne s’agit pas de nous. La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. “

Ainsi, pour beaucoup de nos interlocutrices, il a fallu se détacher de la vision que se faisait la communauté de la femme croyante. Les autres l’appelleraient rébellion. Pour elles, ce n’était que le moyen d’affermir leur foi.

Pieuse et coquette en Afrique  : « l’un ne va pas sans l’autre »

La piété et la coquetterie sont deux aspects de la féminité qui ne sont pas mutuellement exclusifs, mais qui peuvent coexister. La piété et la pratique de sa foi ne sont donc pas incompatibles avec un désir d’être jolie et présentable. Malheureusement, en Afrique la culture populaire a façonné l’image de la femme africaine et à cela s’ajoute dautres restrictions basées sur les écrits saints. 

Il existe par exemple l’histoire de Jezabel, épouse du roi Achab qui a régné sur Israël. La reine cruelle et machiavélique est aussi séductrice. C’est une passionnée du maquillage, du parfum et des artifices. Elle a introduit le culte de Baal, dieu phénicien, dans le royaume d’Israël et construit des temples en l’honneur de la divinité. Elle a également persécuté et fait assassiner les prophètes de Yahwe, le vrai Dieu. On utilise souvent cette histoire pour dissuader les chrétiennes de se vêtir et de se comporter d’une certaine manière. Si vous êtes trop maquillée et trop apprêtée, on peut vous qualifier de Jezabel !

« Moi, on m’a déjà traitée de Jezabel » nous confie Mabel. La jeune mère poursuit  « Pourtant, Jezabel était une femme cruelle. Cela n’avait rien à voir avec son attrait pour les bijoux, le maquillage et la beauté. Nous sommes déjà dans une société où on te juge sur tes vêtements et on catégorise les femmes en regardant leur apparence. Quand je pense qu’ici au Bénin on devrait s’estimer heureuse et que dans certains pays des femmes sont tuées à cause de leur tenue vestimentaire ! » 

À Sedjro, j’ai demandé ce qu’elle pensait du fait d’être une femme belle et croyante. « Je pense humblement que l’un ne va pas sans l’autre ! La foi en Dieu embellit ! Une femme croyante prospère à tous égards tout comme prospère l’état de son âme. Le soin qu’on porte à son corps devenu le temple de Dieu, tout cela justifie de rester charmante. Mon style à moi est plutôt basique et ni le maquillage, ni les bijoux et talons ne sont une passion pour moi. Mais, je suis toujours ravie de voir des femmes féminines dans nos églises et mosquées. Elles viennent un peu déconstruire les idées reçues qui veulent que la femme perde de son éclat lorsqu’elle devient pratiquante ! »

Quant à Islamiath, son avis n’est pas très différent de celui de Sedjro ! « De nombreuses musulmanes cherchent aujourd’hui à concilier leur foi avec leur désir d’expression personnelle et de beauté. Elles trouvent des moyens de s’habiller de manière élégante et soignée tout en respectant les principes de notre religion et moi j’y adhère. Nous avons toutes le droit de faire des choix en ce qui concerne notre foi. Je ne suggérerais les miens à personne, mais je m’attends à voir de plus en plus de femmes convaincues de leurs décisions. Qu’elles décident de suivre les règles ou non ! »

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Mon avis

Les restrictions vestimentaires imposées aux femmes dans certains lieux de culte en Afrique sont parfois le reflet d’inégalités profondes. Je pense que derrière les apparences, il est essentiel de reconnaître la diversité des expressions de la foi. Je crois aussi qu’il faut être tolérants et bienveillants dans nos communautés religieuses pour ne pas blesser nos membres. Cela implique aussi pour ces derniers de faire preuve de sagesse afin de ne pas outrager les plus conservateurs d’entre nous. Par ailleurs, j’invite toutes les femmes à approfondir leur relation avec le divin sans se définir au travers des regards des autres. Car comme l’a dit l’une de nos invitées, tout est question de convictions. Quelles sont les vôtres ? Avez-vous réussi à concilier coquetterie et foi ? Ou bien, pensez-vous que cela n’est pas possible ?

 

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