Quitter son travail dans le monde de la Finance pour devenir maquilleuse professionnelle, esthéticienne et fondatrice d’un espace de beauté et d’une marque de cosmétique naturelle made in Africa, Rebecca Lassoupko l’a fait. 29ans, Beninoise, elle lâche tout pour se former et vivre de sa passion : l’univers de la beauté.
De la création d’un espace de beauté à une marque de cosmétique naturelle
Partie de sa passion première, le maquillage, Rebecca créa Nefertiti beauty, un salon de beauté où elle réalisait ses premières prestations de maquillage. Plus tard, elle se forma en esthétisme et changea le nom du salon pour l’appeler Rebecca’s House, un espace unique où la cliente n’aura pas l’impression d’être dans un institut de beauté mais plutôt à la maison avec un personnel qualifié aux niveaux capillaires et soins de la peau.
Chez Rebecca’s House, la jeune femme s’est entourée de professionnels et y propose des soins pour les cheveux crépus comme défrisés mais aussi du pédicure, manicure et des soins pour le visage et corps. Aujourd’hui, elle se concentre plus sur du coaching capillaire et bien-être. L’idée derrière ? Permettre aux femmes de se connaitre et de s’aimer en apprenant à prendre soin d’elles avec tous les produits naturels dont regorge le continent. Cette activité de coaching l’a poussée à créer Rivka Cosmetics, une marque de produits naturels pour les femmes africaines.
“Mes clientes me demandaient souvent « quels produits utiliser pour leur visage » et j’avais du mal à les convaincre parce que je savais que les produits que j’allais leur conseiller ne sont pas forcément adaptés à leurs peaux et leur environnement. Et c’est de là que l’idée de Rivka cosmetics est née” , raconte la jeune femme.
A travers sa marque de cosmetiques naturels, Rebecca Lassoupko propose des produits pour les cheveux, le visage et le corps. Selon la jeune femme, Rivka a une autre vision de la cosmétique naturelle en Afrique. Celle basée sur la qualité, l’éthique et le choix des procédés de fabrication des produits. En effet, pour les produits pour le corps par exemple, la marque propose des savons fabriqués avec la saponification à froid. « Nous avons remarqué que les savons vendus sur le marché africain sont faits à chaud et perdent 80 % des propriétés des ingrédients utilisés. La saponification à froid est un procédé fastidieux qui prend du temps mais qui conserve à presque 100% les bienfaits des ingrédients », explique-t-elle.
C’est donc avec cette patience et le souci de proposer des produits naturels de qualité que la jeune femme de 29 ans a mis sur pied Rebecca’s House et Rivaka Cosmetics. Entretien au cœur de son aventure entrepreneuriale.
Pour vous qui avez pivoté des finances vers le monde de la beauté, quelle a été la réaction de votre entourage ?
[Fou rire]. Cela n’a pas été facile. Pas du tout. Nous sommes en Afrique et les métiers dits manuels sont perçus comme des sous-métiers. A l’époque, dans mon entourage, personne n’avait compris pourquoi j’avais démissionné d’un job confortable pour aller comme ils disaient « toucher les visages des gens ». Ils l’ont mal vécu car pour eux, les métiers d’esthéticienne et de maquilleuse étaient soi-disant réservés aux personnes qui n’ont pas réussi à l’école et qui devaient s’occuper à quelque chose. Et pourtant, ailleurs dans le monde, ces métiers sont valorisés.
Dès le moment où tu te dis que tu veux te lancer dans un domaine, cherche à devenir le meilleur, perfectionne-toi pour pouvoir donner de la qualité à ta cible.
Il faut comprendre que ces métiers sont aussi nobles que les autres et ce n’est pas encore accepté en Afrique. Cependant, il faut aussi se dire que c’est nous même qui ne valorisons pas ce secteur. Aujourd’hui, beaucoup d’entre nous se proclament maquilleurs et rares sont ceux qui sont passés par des écoles de formation. Nombreux sont ceux qui se disent autodidactes mais qui ne cherchent pas vraiment à approfondir leurs connaissances.
Je ne suis pas contre cette prolifération de maquilleurs ou esthéticiennes. J’ai juste un souci avec la qualité de ce qui se fait. Dès le moment où tu te dis que tu veux te lancer dans un domaine, cherche à devenir le meilleur, perfectionne-toi pour pouvoir donner de la qualité à ta cible. C’est ce que je fais et c’est ainsi que j’ai réussi à convaincre mon entourage de la pertinence de mon choix.
Quels sont les principaux défis à relever quand on se lance dans la création d’une marque de cosmétiques en Afrique ?
Ils sont nombreux. L’absence d’investissement arrive en premier. Nous menons nos projets de création de salons et marques de cosmétiques avec nos propres fonds sans l’aide des banques et instituts financiers. Ces derniers considèrent nos activités à risque ou peu rentables. Lorsqu’on galère, ils sont absents. Et dès lors qu’on atteint un certain niveau de notoriété, ils commencent à s’approcher de nous et ce n’est pas à ces moments-là que nous avons besoin d’eux.
Ensuite, nous avons la difficulté à trouver des matières premières de qualité et à des prix raisonnables. Le défi est donc d’identifier les fournisseurs de matières premières au Bénin puis dans la sous-région et aux meilleurs prix. Autrement, nous serons obligés de les acheter à l’étranger et de payer plus cher.
Les problématiques de packaging et de conservation de nos produits sont aussi des challenges au quotidien. Aujourd’hui encore, c’est encore difficile de trouver sur le continent des packagings modernes, beaux et peu couteux. Nous sommes donc parfois obligés de les acheter à l’étranger, ce qui se répercute sur nos coûts de production.
Aujourd’hui encore, c’est encore difficile de trouver sur le continent des packagings modernes, beaux et peu couteux.
Et concernant la conservation, si on veut vraiment respecter le label naturel, on ne peut pas produire en grande quantité. En effet, les conservateurs qu’on utilise sont naturels et ont une durée de trois à six mois. Nous sommes donc obligés de produire en pensant à cette contrainte de durée de validité. Nous pouvons bien utiliser d’autres types de conservateurs mais là, on ne sera plus vraiment dans le naturel. C’est une question d’éthique. Tout cela fait que nous ne pouvons pas produire en grande quantité à moins d’avoir une forte demande où l’on est sûr derrière que les produits s’écouleront vite.
Si aujourd’hui je lance de nouveaux produits sur le marché et que je mets « produits éclaircissants sur les étiquettes », elles vont toutes courir et acheter.
Et enfin, on a ce problème qui touche encore les femmes africaines : l’identité noire. Si aujourd’hui je lance de nouveaux produits sur le marché et que je mets « produits éclaircissants sur les étiquettes », elles vont toutes courir et acheter. Surtout si je mets une photo de femme claire à côté pour illustrer. Donc venir sur le marché béninois, africain et proposer des produits naturels est une bataille au quotidien. Chez certaines clientes, il y a encore cette demande qui revient souvent : je veux éclaircir, je veux être plus claire.
C’est extraordinaire de constater que les femmes caucasiennes sont plus intéressées par nos produits que celles pour lesquelles ces produits ont été conçus à la base.
Or chez Rivka Cosmetics, nous sommes farouchement opposés à la dépigmentation. Et mon défi sur cette problématique est de faire accepter les produits naturels aux femmes africaines. C’est extraordinaire de constater que les femmes caucasiennes sont plus intéressées par nos produits que celles pour lesquelles ces produits ont été conçus à la base. Pourquoi ? Parce que ça n’éclaircit pas la peau. C’est l’un des challenges que nous avons et tout doucement, nous y arriverons.
Comment se positionne Rivka Cosmetics par rapport aux autres marques de cosmétiques naturels africaines ?
Je me dis que lorsqu’on a une vision et un but précis, peu importe que l’on soit dans le même domaine que A et B : nous n’avons pas les mêmes cibles. Nous ne pourrons jamais avoir les mêmes produits.
Je prends l’exemple d’une marque qui est dans les cosmétiques naturels pour les cheveux afros. Nous pouvons avoir les mêmes objectifs mais pas la même démarche. Donc Partant de ce fait, il n’y a pas de concurrence. J’aimerais plutôt parler de consortium. Parce que le but c’est de démocratiser l’utilisation des produits naturels africains comme les grandes marques l’ont fait avec leurs produits. De plus, je me dis que si aujourd’hui les marques comme Dior, Chanel et autres ne sont pas forcément en concurrence, c’est parce que chacune a sa part de marché et se positionne comme elle veut. C’est aussi valable pour nous les acteurs de cosmétiques naturels en Afrique.
A votre avis comment peut-on pousser la femme africaine à utiliser des produits cosmétiques Made In Africa ?
Dans ma quête d’ingrédients naturels de qualité, je découvre des produits insoupçonnés et les Européens viennent se procurer ces produits sur le continent pour aller ensuite les transformer.
C’est déjà par la sensibilisation. Beaucoup ne connaissent pas encore nos produits et sont toujours assaillies par la publicité de produits importés. Notre challenge est également de leur montrer voire même leur prouver les bienfaits de nos produits cosmétiques africains naturels. Dans ma quête d’ingrédients naturels de qualité, je découvre des produits insoupçonnés et les Européens viennent se procurer ces produits sur le continent pour aller ensuite les transformer. Ils n’ajoutent même pas 5% des produits dedans, ils reviennent ensuite nous revendre ça. C’est fou et c’est notre rôle d’éduquer nos clientes sur ces faits.
Que diriez-vous à des jeunes qui souhaiteraient se lancer dans les métiers de la beauté en Afrique francophone subsaharienne ?
Comme tout récemment à mes étudiants de Lomé je leur poserai 3 questions :
- Pourquoi voulez-vous vous lancer dans le domaine ?
- Etes-vous prêts à supporter tout ce que ce domaine a à vous imposer ?
- Est-ce que vous vous voyez dans 5 ou 15 ans en train de faire la même chose ?
Parce que dans ces métiers dit manuels, il vous faut une forte envie. Vous ne fabriquez pas cette envie. C’est parce que vous avez su la déceler que vous avez décidé de vous lancer. Il faut donc avoir de l’amour pour ce domaine.
Quand on voit un brillant avocat ou un brillant médecin à côté de nous, tout de suite on est complexé. Je dis non, tous les métiers se valent.
Une fois ces questions résolues et votre décision de vous lancer prise, armez-vous de courage, de passion et beaucoup d’abnégation vis-à-vis des regards des autres. Oui, souvent dans ce métier, c’est le regard des autres et de la société qui nous fait peur. Quand on voit un brillant avocat ou un brillant médecin à côté de nous, tout de suite on est complexé. Je dis non, tous les métiers se valent. Et lorsque vous êtes convaincu que ce dans quoi vous vous êtes lancé est noble, vous allez vous en sortir.
Où voyez-vous Rivka cosmétics dans les 5-10 prochaines années ?
Qu’elle évolue dans un contexte où ça ne sera plus les gens qui viennent d’ailleurs qui apprécient et valorisent plus nos produits. Et bien sûr, j’espère ouvrir plusieurs filiales un peu partout dans la sous-région et pourquoi pas en Occident.
J’espère aussi qu’on aura fait un grand pas sur le bien-être et l’estime de soi de la femme africaine. Qu’elle utilise des produits adaptés pour sa peau et non des produits qui lui seront imposés par les canaux de beauté occidentaux.
Une astuce à partager avec nos lecteurs ?
Beaucoup de femmes pensent qu’avec des cheveux crépus, il faut une tonne de soins. Non, ce n’est pas le cas, nos cheveux crépus n’ont besoin que d’un peu d’amour et beaucoup d’hydratation.
Les gens pensent que les beurres et les huiles sont des hydratants. Non, ce sont plutôt des nourrissants. Lorsque vous souhaitez hydrater vos cheveux, ayez recours à des humectants comme l’aloès Vera, la glycérine végétale ou du miel que vous ajoutez à vos mixtures pour avoir ce côté hydratant. Les beurres et les huiles viennent enfin nourrir vos cheveux.