“C’est difficile d’entreprendre au Sénégal !” Combien sommes-nous à avoir déjà dit ou entendu cette phrase ? Qu’est-ce que cela veut dire exactement ? Quels sont les problèmes que rencontrent les entrepreneurs ? Pour répondre à ces questions, nous nous sommes intéressés à ceux qui ont mis en place un e-commerce beauté au Sénégal. Voici le top 5 des difficultés qu’ils rencontrent dans la pratique de leur business.
1. Un marché de la beauté au Sénégal inondé de produits contrefaits
L’un des plus gros défis que les entrepreneurs doivent relever lorsqu’ils se lancent dans l’e-commerce beauté au Sénégal, c’est pouvoir se démarquer de la contrefaçon. Le marché des cosmétiques en Afrique de l’ouest de façon générale est inondé de produits contrefaits qui sont le plus souvent proposés par des commerçants qui ont pignon sur rue. Beaucoup « trop de petits (re)vendeurs qui polluent le milieu », cela nuit fortement à l’image du marché et peut décourager certains entrepreneurs et fournisseurs.
Au Sénégal comme dans le reste de l’Afrique, la majorité de ces produits de contrefaçon viennent de la Chine et les autorités locales peinent à mener une vraie politique de lutte contre ce problème.
Aussi, il faut dire qu’une partie de la clientèle sénégalaise a encore beaucoup de mal à faire la différence entre un produit original et un produit chinois de contrefaçon. Certaines préfèrent d’ailleurs « fermer les yeux » et acheter de la contrefaçon car c’est beaucoup moins cher. Cependant, cette situation est en train de changer aujourd’hui en 2020 avec la présence de plus en plus de médias, blogs et sites e-commerces qui éduquent et informent leurs lectrices et clientes sur la qualité et l’usage des produits.
2. Un refus de certaines grandes marques de cosmétiques de s’installer dans certains pays africains
II y a beaucoup de contrefaçons en Afrique de l’Ouest. Et vu que le marché est déjà gagné par les Chinois, nous ne voulons pas faire de bras de fer avec eux. De plus, vous ne savez pas faire la différence entre des produits chinois et des produits originaux.
Quand on est entrepreneur et qu’on souhaite distribuer certains produits de grandes marques au Sénégal, on se heurte souvent à un refus de celles-ci. La raison évoquée? La contrefaçon. “II y a beaucoup de contrefaçons en Afrique de l’Ouest. Et vu que le marché est déjà gagné par les Chinois, nous ne voulons pas faire de bras de fer avec eux. De plus, vous ne savez pas faire la différence entre des produits chinois et des produits originaux”, argument-elles souvent.
Bien que beaucoup de grandes marques restent fermes sur leur décision de ne pas vouloir partir à la conquête du marché ouest-africain, la tendance actuelle est au changement. Vu le potentiel du marché de la beauté en Afrique et une demande de plus en plus croissante des clients pour des produits cosmétiques de qualité, certaines marques internationales ont fini par sauter le pas et tenter l’aventure. La marque américaine L.A girl par exemple a récemment ouvert une boutique officielle au Sénégal.
3. Une méconnaissance des grandes marques du potentiel du marché de la beauté en Afrique
Même si les choses changent peu à peu, il faut quand même reconnaître que certaines marques de cosmétique minimisent encore le marché de la beauté en Afrique francophone. Cela peut s’expliquer par les trois raisons suivantes :
– Si on prend les Etats-Unis et la France comme exemple, la taille de leur marché est tellement immense – avec beaucoup de perspectives de développement et de croissance – que les marques ne réalisent pas encore l’intérêt d’investir en Afrique. Et ce, malgré sa croissance économique et démographique.
– La méconnaissance de l’Afrique, des pays et des populations. Il faut dire que beaucoup de marques internationales continuent de fermer les yeux sur cette Afrique connectée, sa classe moyenne et son pouvoir d’achat, son potentiel et la croissance du domaine de la beauté en Afrique.
– Il y’a encore, malheureusement, de la part de certaines marques un manque de considération et un certain « mépris vis à vis de la consommatrice africaine ».
4. Des structures d’accompagnement absentes
Il y a une catégorie de secteurs qui n’est pas prise au sérieux au Sénégal car cela a l’air moins technique et moins intelligent.
Les jeunes entrepreneurs de façon générale n’ont pas ou bénéficient de très peu d’encadrement et d’aide financière lorsque qu’ils souhaitent se lancer et créer leur activité au Sénégal. Cela est encore plus vrai lorsqu’on est un entrepreneur dans l’e-commerce beauté. L’absence de structure d’accompagnement et la difficulté de trouver un financement font que la tâche peut s’avérer extrêmement difficile et peut vite décourager certains.
La plupart des entrepreneurs e-commerce beauté disent avoir démarrer leur site en ligne et leur activité commerciale sur fonds propres car les banques sont souvent réticentes à financer les projets liés à la création d’entreprise dans le domaine des cosmétiques. Les banques ne prennent pas encore cela au sérieux et ne financent pas nos projets, indiquait Yaye Astou, la fondatrice de Nubian Beauty shop. « Il y a une catégorie de secteurs qui n’est pas prise au sérieux au Sénégal car cela a l’air moins technique et moins intelligent. », disait NK Thiat, la fondatrice de Balik Secrets.
Les entrepreneurs de ce secteur ne peuvent pas garantir aux banques les deux choses qu’elles exigent : une rapide solvabilité et rentabilité. Toutefois, ils notent que dès que leur activité commence à porter ses fruits, les banques finissent par se manifester.
5. Une difficulté à fidéliser la cliente sénégalaise et à la “convertir” aux règles du e-commerce.
Même si aujourd’hui la majorité des entrepreneurs dans le domaine de la beauté et des cosmétiques au Sénégal proposent des produits de qualité à leurs clients, il reste difficile pour eux de les fidéliser et de leur faire comprendre les exigences de l’achat en ligne (particulièrement à celles qui ne sont pas habituées à l’achat en ligne en 2020).
Selon les acteurs du domaine, la cliente sénégalaise est une cliente difficile à satisfaire et à fidéliser. Elle est à la recherche du plus facile et du moins cher: “Elle veut de la qualité, elle est à l’affût des nouveautés – et veut être livrée rapidement mais ne veut pas trop se fatiguer – elle veut toujours un meilleur service, payer moins cher, le tout en dépensant le moins possible”, précisait le trio de Mossane.
Aussi, certaines clientes se montrent réticentes aux exigences du e-commerce, comme la création d’un compte en ligne par exemple. Elles ne saisissent pas toujours l’utilité. Alors, pour les convaincre, les entrepreneurs sont souvent obligés de faire de la pédagogie en montrant en quoi cela est important et nécessaire pour elles et pour la livraison rapide de leurs produits. Aujourd’hui, en 2020, cette pédagogie a porté ses fruits même si cela reste un combat perpétuel (pour les futurs adeptes de l’achat en ligne).
Elle veut de la qualité, elle est à l’affût des nouveautés – et veut être livrée rapidement mais ne veut pas trop se fatiguer – elle veut toujours un meilleur service, payer moins cher, le tout en dépensant le moins possible
Pour finir avec une note positive, ces entrepreneurs restent optimistes. Les pratiques changent et certaines clientes sénégalaises sont de plus en plus conscientes que l’avenir du marché de la beauté passera forcément par la vente et les services en ligne.