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Beauty business en Afrique : « Il faut créer une discrimination positive envers les locaux » selon le Dr Franck Yedomon

Ma conviction profonde est que l’Afrique est le prochain grand marché de la beauté et cosmétique. En 2050, une personne sur quatre sera africaine selon la banque mondiale. Ces personnes-là, il faudra répondre à leurs besoins en termes de produits de beauté adaptés à leurs peaux et cheveux. Connaissant cela, les entreprises africaines de ce secteur ainsi que leurs Etats ont 2 choix : soit de croire en ces chiffres et de se mobiliser d’urgence pour saisir ces grandes opportunités. Soit de se dire que ce ne sont que des chiffres qui ne veulent rien dire et laisser la porte ouverte aux grands industriels de la beauté qui engloutiront toutes ces marques africaines de cosmétiques. La partie 2 de mon entretien avec le dermatologue Franck Yedomon montre encore une fois, la nécessité immédiate, de réglementer et de développer le secteur de la beauté et cosmétique en Afrique. 

 

 

Beauty business en Afrique : « Il faut créer une discrimination positive envers les locaux » selon le Dr Franck Yedomon
Dr Franck Yedomon à l’African Beauty Forum

Qu’est-ce qui empêche les marques africaines de chercher l’Autorisation de Mise sur le Marché (l’AMM) ? 

Les marques africaines ne font pas de grosses marges alors qu’une industrie qui fait 10 milliards de chiffre d’affaires est capable de financer la recherche, d’avoir une formulation claire et de faire des tests d’allergie. En revanche, une entreprise qui vient de démarrer et produit 600 savons ou crèmes à la maison ne peut pas s’offrir une étude randomisée, qui va nécessiter une formulation claire avant de bénéficier de l’AMM (L’Autorisation de mise sur le marché). Si elle ne vend de surcroît que pour 4 ou 5 millions tous les 6 mois, l’équation devient difficile à résoudre. Ce type d’entreprise choisit alors l’option la plus simple : produire rapidement même si la formulation n’est pas stable et vendre à la sauvette. 

 

 

En Afrique, les gens consultent aussi souvent pour des problèmes de peau grasse et d’acné.  En occident, il existe beaucoup de produits dermo-cosmétiques efficaces contre la peau grasse et l’acné, comment expliquez-vous que ces laboratoires ne s’installent pas sur le continent ? 

Les laboratoires occidentaux produisent à partir de la recherche comme j’ai dit tout à l’heure. Mais est-ce que cette recherche est faite sur la peau noire ? Elle l’est sur la peau caucasienne. Et comme leurs produits ne sont pas conçus spécifiquement pour les peaux noires, il peut y avoir une tolérance mais est-ce qu’ils ne vont pas rendre la peau plus foncée ? C’est une limite. Maintenant par rapport à la question, si le chiffre d’affaire prévisionnel en Afrique n’est pas intéressant, ils ne viendront pas. 

 

Si les grandes marques ne sont pas prêtes à apporter leurs meilleurs produits en Afrique et si les marques locales ne veulent pas chercher les autorisations nécessaires pour mettre sur le marché de bons produits, que deviendra le secteur de la beauté et cosmétiques en Afrique à votre avis ? 

Le premier problème que va engendrer ce phénomène c’est que des produits à faibles coûts, sans aucune sécurité vont envahir nos marchés. Et ils seront appréciés par les consommateurs et bonjour les dégâts ! Il faut donc d’abord empêcher l’entrée dans nos pays des produits de mauvaise qualité qui viennent de la Chine ou d’Asie. C’est un problème étatique. 

 

Il faut créer une discrimination positive envers les locaux.

 

Deuxième chose, il faut créer une solidarité vis-à-vis des marques africaines et qu’elles aient un accompagnement pour l’acquisition de l’AMM. L’Etat peut mettre en place une différenciation au niveau des cosmétiques produits en Europe et ceux produits en Afrique, en allégeant les protocoles pour les marques locales qui sont dans une optique de produire des cosmétiques de qualité. Vu leur manque de moyen par rapport à l’Europe, les Etats doivent leur apporter de l’expertise et mettre même sur pieds de petites industries de production pour respecter les normes de sécurité et avoir plus facilement les autorisations nécessaires. En résumé, il faut créer une discrimination positive envers les locaux. 

 

 

A votre avis, où en sera le secteur de la beauté et cosmétique en Afrique dans 5 ans ? Croyez-vous qu’on aura de réelles avancées ? 

Plusieurs scénarios peuvent se mettre en place. 

1-      Lorsque les Etats vont comprendre que la cosmétique est importante en termes de revenus fiscaux, ils vont encourager les producteurs locaux. Mais il y a un travail en amont à faire : amener du matériel industriel pour ces producteurs, mettre en place des comités d’experts qui pourront les aider à avoir des produits de qualité et à revendre à l’international. Il y a un financement à mettre en place et malheureusement les investisseurs n’investissent pas dans le secteur.

 

Il y a une telle concurrence entre les producteurs locaux qui les empêche de s’associer alors qu’ils ne sont pas conformes aux normes.

 

2-       Il y a une telle concurrence entre les producteurs locaux qui les empêche de s’associer alors qu’ils ne sont pas conformes aux normes. Il vaut mieux s’associer afin que les investisseurs vous trouvent crédibles. Si par exemple au Sénégal, vous avez besoin de 13 milliards pour construire une industrie cosmétique de qualité qui fait de l’extraction d’huiles essentielles, un investisseur n’a pas envie de mettre 13 milliards sur un seul produit. Alors que si vous vous êtes tous rassemblés, il peut vous mettre en place l’architecture essentielle pour une industrialisation. Et si ce n’est pas le cas, étant donné qu’en 2050 nous serons la moitié de la planète vous verrez les producteurs locaux qui se battent de façon isolée se faire racheter par des grosses firmes qui vont amener l’expertise et produire quelque chose de qualité.  

 

 

 

 

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